On part pour s'éloigner du lieu qui nous a vu naître
Et voir l'autre versant du matin.
On part à la recherche de nos naissances improbables.
Pour compléter nos alphabets.
Pour charger l'adieu de promesses.
Pour aller aussi loin que l'horizon, déchirant nos destins,
Éparpillant leurs pages avant de tomber quelquefois
Sur notre propre histoire dans d'autres livres.
On part vers des destinées inconnues.
Pour dire à ceux que nous avons croisés
Que nous reviendrons vers eux et que referons connaissance.
On part pour apprendre la langue des arbres qui, eux
Ne partent guère.
Pour lustrer le tintement des cloches dans les vallées saintes.
À la recherche de dieux plus miséricordieux.
Pour retirer aux étrangers le masque de l'exil.
Pour confier aux passants que nous sommes, nous aussi, des passants,
Et que notre séjour est éphémère dans la mémoire et dans l'oubli.
Loin des mères qui allument les cierges et réduisent la couche du temps
À chaque fois qu'elles lèvent les mains vers le Ciel.
On part pour ne point voir vieillir nos parents.
On part dans la distraction de vies gaspillées d'avance.
On part pour annoncer à ceux que nous aimons que nous aimons toujours,
que notre émerveillement est plus fort que la distance
Et que les exils sont aussi doux et frais que les patries.
On part pour que, de retour chez nous un jour,
Nous nous rendions compte que nous sommes des exilés de nature,
Partout où nous sommes.
On part pour abolir la nuance entre air et air,
Eau et eau, Ciel et enfer.
Nous riant du temps, nous contemplons désormais l'immensité.
Devant nous, comme des enfants dissipés,
Les vagues sautillent pendant que la mer file va entre deux bateaux.
L'un en partance,
L’autre en papier dans la main d'un petit.
On part comme un clown qui s'en va de village en village,
Emmenant ses animaux qui donnent aux enfants
Leur première leçon d'ennui.
On part pour tromper la mort, la laissant nous poursuivre de lieu en lieu.
Et on continuera de faire ainsi jusqu'à nous perdre,
Jusqu'à ne plus nous retrouver nous-mêmes là où nous allons,
Afin que jamais personne ne nous retrouve.
Issa Makhlouf
Source : http://oraney.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire